La Révolution tranquille et l’émergence de l’État-providence
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Cours: | HQC4 - webinaire 2022 |
Livre: | La Révolution tranquille et l’émergence de l’État-providence |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | mardi, 24 décembre 2024, 08:35 |
1. Introduction
Au tournant des années 1960, l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération de politiciens adhérant au keynésianisme accélère la modernisation du Québec. En effet, les gouvernements du Parti libéral, de l’Union nationale et du Parti québécois adoptent tour à tour des mesures économiques et sociales progressistes avec l’intention d’assurer un niveau de vie décent à la population québécoise.
En s’appuyant sur des ministères et des sociétés d’État nouvellement formées, le gouvernement québécois planifie son intervention économique et il intensifie sa prise en charge du domaine social, que ce soit en matière d’éducation, de santé ou de services sociaux. Jusqu’à la fin des années 1970, l’émergence de l’État-providence caractérise ainsi cette transformation profonde de l’État québécois, une des principales manifestations de la modernisation du Québec sur le plan politique.
Dès l’élection du Parti libéral dirigé par Jean Lesage en 1960, plusieurs intellectuels, politiciens et journalistes qualifient leur époque de « Révolution tranquille » pour nommer cette ère de changement rapide qui bénéficie d’un large consensus social. Malgré les débats sur les dates de début et de fin de la Révolution tranquille, les historiens reprennent cette expression pour désigner une période qui se caractérise notamment par les transformations de l’État québécois dans les domaines social, économique et politique.
Comment les interventions de l’État québécois transforment-elles la société québécoise sur les plans social, politique et économique?
En route vers la réussite
Dans ce chapitre, tu travailleras la compétence 2 du programme d’histoire du Québec et du Canada (Interpréter une réalité sociale) à travers l’étude des changements et des continuités entre la période duplessiste et la période de la Révolution tranquille.
D’abord, tu établiras les changements et les continuités par rapport à l’émergence de l’État-providence au Québec et de la laïcisation de l’État.
Une première question de compétence 2 te sera proposée dans la section 2.3 et tu pourras effectuer, avec de l’aide, l’interprétation rigoureuse de la modernisation du Québec dans les domaines de l’éducation et de la santé.
Ensuite, tu détermineras les changements et les continuités en lien avec les institutions démocratiques et les droits de la personne.
Une deuxième question de compétence 2 te sera proposée dans la section 4.3 et tu pourras t’exercer à interpréter la modernisation du Québec dans le domaine politique.
Finalement, une troisième question de compétence 2 te sera proposée dans la section 5 afin de consolider ta maitrise de l'interprétation de la modernisation du Québec et de la Révolution tranquille dans le domaine de l’économie.
Ce chapitre t’aidera à te familiariser avec une tâche qui permet de montrer ta capacité à faire l’interprétation d’une réalité sociale (compétence 2). À différents moments dans le chapitre, tu auras accès à un guide conçu pour t’aider à comprendre les différentes étapes nécessaires pour interpréter rigoureusement une réalité sociale.
2. L’État québécois et le domaine social
Dans la foulée de la Grande dépression et de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement canadien s’inspire des principes de l’État-providence pour venir en aide aux travailleurs. Par exemple, le gouvernement fédéral s’appuie sur la prospérité qu’engendre l’économie de guerre pour adopter la Loi sur l’assurance-chômage en 1940. En plus d’encadrer la main-d’œuvre en temps de guerre, cette loi permet d’atténuer les répercussions des cycles économiques en procurant une aide financière aux travailleurs qui perdent leur emploi.
Dès la fin du conflit mondial, de plus en plus de politiciens souhaitent élargir la portée de l’État-providence en accentuant la prise en charge du domaine social par le gouvernement canadien. Des années 1950 aux années 1970, ce gouvernement élabore ainsi un filet de sécurité sociale.
Quelques politiques sociales du gouvernement fédéral entre 1950 et 1970
- Allocations familiales (1944) : montant d’argent versé aux familles en fonction du nombre et de l’âge de leurs enfants.
- Pensions de vieillesse (1951) : montant d’argent versé aux personnes retraitées de 65 ans et plus.
- Assurance-hospitalisation (1957) : financement offert par le gouvernement fédéral aux provinces afin de rendre les soins hospitaliers et les services diagnostiques gratuits pour tous.
- Assistance publique (1966) : régime par lequel le gouvernement fédéral fournit 50% du financement des programmes d’aide sociale des provinces.
- Assurance maladie (1966) : élargissement du programme d’assurance-hospitalisation pour couvrir aussi les frais de consultation auprès d’un médecin.
Le gouvernement québécois juge que les politiques fédérales empiètent sur les compétences provinciales, ce qui le motive à adopter ses propres mesures sociales progressistes. Au sein d’une société québécoise qui se laïcise, les programmes fédéraux et leurs équivalents provinciaux favorisent le bien-être de la collectivité et ils réduisent la dépendance des individus envers la charité privée. Témoignant du changement dans les mentalités, l’aide aux personnes dans le besoin représente désormais un droit qui relève la dignité humaine plus qu’un privilège qui relève du mérite individuel ou de la ferveur religieuse.
2.1. Le déclin de la pratique religieuse et la laïcisation de l’État québécois
Détermine le changement dans la place de l’Église dans la société québécoise selon l’auteur du document 1.
Extrait d’un texte par Monseigneur Jean-Marie Fortier, évêque de Sherbrooke, publié en 1974
« Pour les hommes et les femmes de ma génération l’Église du Québec n'est plus ce qu’elle a été. [...] Être catholique et catholique pratiquant en 1920 ou en 1930 allait de soi. [...] Au pays du Québec beaucoup de choses ont changé. [...] Il n’est qu'à réfléchir sur ce qui était hier et sur ce que l'expérience quotidienne nous révèle aujourd’hui : baisse de la pratique religieuse, diminution des vocations sacerdotales et religieuses, accroissement du nombre des divorces, leadership de l’État en maints domaines, etc. »
Source : Jean-Marie Fortier, « Mgr Jean-Marie Fortier nous ouvre son cœur », La Tribune, 28 décembre 1974, p. 3 (cahier spécial), en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004875943.
Qu’est-ce qui distingue les documents 2 et 3 des documents 4 et 5? Dégage une différence entre les deux paires de documents. Puis, dégage une similitude entre les deux paires.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’influence morale et culturelle de l’Église catholique décline au sein de plusieurs pays occidentaux, un phénomène qui touche aussi la société québécoise. L’essor de la société de consommation et le changement dans les mentalités diminuent la portée des croyances et des valeurs religieuses ainsi que des rites qui permettent de les inculquer.
Au cours des années 1970, le déclin de l’influence du catholicisme prend de l’ampleur avec la chute rapide de la pratique religieuse, ce qui se traduit par une diminution de moitié de la fréquentation de la messe chez les catholiques. En plus de priver l’Église catholique de fidèles, la diminution de la pratique religieuse réduit la disponibilité des ressources financières nécessaires au fonctionnement des établissements confessionnels et à l’entretien des lieux de culte.
Les Ursulines avant 1968
Ce retrait du clergé et des communautés religieuses de la vie sociale s’inscrit dans une plus vaste réforme de l’Église catholique lancée par le concile de Vatican II durant les années 1960. Cette réforme propose des changements majeurs dans le déroulement des pratiques religieuses et elle encourage l’Église catholique à s’adapter à la modernisation des sociétés occidentales. Pour ce faire, la réforme reconnait notamment la liberté de religion des non-catholiques, elle abolit l’usage du latin pour la messe et elle autorise le port de tenue civile par les religieux et les religieuses.
La diminution de la pratique religieuse au Québec s’accompagne d’une baisse substantielle des vocations religieuses au sein de l’Église catholique. En effet, l’Église catholique peine à recruter des effectifs pour former son clergé et les communautés religieuses assistent au départ volontaire de leurs membres. Entre 1960 et 1980, le nombre de prêtres baisse de moitié alors que les communautés religieuses perdent le tiers de leurs membres. Pour s’ajuster à la réduction de ses effectifs, l’Église catholique vend ses hôpitaux au gouvernement du Québec et elle ferme plusieurs établissements confessionnels comme les orphelinats et les hospices pour personnes âgées.
Les Ursulines après 1968
Au moment où l’Église catholique voit ses effectifs diminuer, les fonctionnaires des ministères et les employés de l’État québécois remplacent progressivement les religieux dans les écoles et les hôpitaux. Alors que le bébé-boum accélère la croissance de la population québécoise, les besoins de celle-ci s’accentuent dans les domaines de l’éducation, de la santé et des services sociaux. Pour répondre à ces besoins, les politiciens misent sur l’État-providence, ce qui leur permet de rompre avec le cléricalisme de la période duplessiste. L’émergence de l’État-providence renforce donc le processus de laïcisation de l’État québécois, qui devient de plus en plus autonome face à l’Église catholique.
2.2. Les interventions sociales de l’État québécois
Les mesures sociales progressistes de l’État québécois
L’État québécois poursuit la prise en charge de plusieurs domaines de la société québécoise, une intervention amorcée avant la Révolution tranquille par certaines politiques des gouvernements d’Adélard Godbout et de Maurice Duplessis. À la différence des mesures interventionnistes de ces gouvernements, les gouvernements de Lesage, Johnson, Bourassa et Lévesque déploient une intervention systématique de l’État québécois. En plus d’offrir des services à un plus grand nombre de personnes, les gouvernements des années 1960 et 1970 établissent une intervention étatique dans la plupart des secteurs économiques. Pour de nombreux francophones, la présence accrue de l’État québécois dans leur vie quotidienne nourrit le sentiment d’appartenance à la collectivité.
Comment l’étude du système scolaire par la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec transforme-t-elle le rôle de l’Église en éducation?
Réponds à la question en précisant les éléments ci-dessous et en les liant entre eux.
- Le fonctionnement du système scolaire québécois au début de la Révolution tranquille.
- Les recommandations de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec
- Les conséquences sur le rôle de l’Église en éducation.
Extrait d’un chapitre de livre écrit par un sociologue
En ce qui a trait à la confessionnalité, en résumé, la Commission Parent recommandait :
-
Premièrement, de [laïciser] la direction du système public et privé, par l’institution d’un ministère de l’Éducation non confessionnel, [...] mais qui pouvait comporter des secteurs ayant la responsabilité de l’enseignement confessionnel qui allait demeurer;
- Deuxièmement, de déconfessionnaliser toutes les institutions d’enseignement post-secondaires, c’est-à-dire de niveau collégial et universitaire; [...] »
Source : Guy Rocher, « La sécularisation des institutions d'enseignement : conflit des faits et du droit », dans R. Comeau (dir.), Jean Lesage et l'éveil d'une nation, Sillery, Les Presses de l'Université du Québec, 1989, p. 173.
Extrait d’un texte sur l’évolution de la présence de l’Église en éducation publié en 1966 par la Fédération des Collèges classiques
« L’Église, par une présence directe de la hiérarchie au sein du comité catholique [du Département de l’Instruction publique], a la possibilité [...] d’exercer un droit de regard et un contrôle précis sur les principaux aspects de l’enseignement dispensé dans les écoles catholiques [...] :
- la durée du cycle des études pour le niveau élémentaire et le niveau secondaire;
- le programme des études et celui des différents cours [...];
- les manuels à utiliser pour l’enseignement;
- le régime (durée de l’année scolaire, horaire, congés, etc.) et la discipline des écoles;
- les certificats ou attestations d’études et les examens qui y donnent droit;
- les conditions à observer pour la construction, l’équipement et l’entretien des bâtiments scolaires et pour l’inspection médicale des écoles et des élèves;
- les conditions d’engagement et les devoirs du personnel enseignant; [...] »
Source : Fédération des Collèges classiques, La présence de l’Église en éducation, Montréal, 1966, p. 110.
Extrait d’un texte sur l’évolution de la présence de l’Église en éducation publié en 1966 par la Fédération des Collèges classiques
« Depuis la sanction du Bill [projet de loi] 60 le 19 mars 1964, quelle place l’Église a-t-elle dans les structures de notre système scolaire? [...]
- [...] la hiérarchie de l’Église catholique n’a plus de pouvoir précis au niveau de la direction de l’ensemble du système d’éducation au Québec;
- [...] l’Église, via le Comité catholique, a conservé des pouvoirs réels et une présence juridiquement reconnue en ce qui touche les aspects moraux et religieux de l’enseignement;
- [...] l’État, tout en reconnaissant une diversité religieuse, tout en accordant aux églises des pouvoirs précis dans des sphères de leur compétence, a situé le système scolaire dans la ligne de la laïcité de l’État [...]. »
Source : Fédération des Collèges classiques, La présence de l’Église en éducation, Montréal, 1966, p. 112.
2.3. En route vers la réussite
Tu viens d’atteindre une première section « En route vers la réussite ». Tu pourras te familiariser avec une question de compétence 2 dans une vidéo interactive.
- Prends d’abord connaissance des consignes.
- Puis, revisite le guide de la compétence 2 pour te rappeler les étapes importantes.
- Finalement, complète la vidéo interactive pour répondre à la question.
- Prends une capture d’écran de ta réponse pour l’insérer dans le cahier de traces.
En route vers la réussite 1
Consignes
À partir des années 1960, l’État québécois intervient davantage dans la société québécoise. Il prend en charge les domaines de l’éducation et de la santé.
Explique comment les interventions de l’État québécois dans le domaine social transforment la société québécoise des années 1960 et 1970.
Dans ton texte, tu devras :
- indiquer un changement dans le domaine de l’éducation et appuyer ce changement par un fait;
- indiquer un changement dans le domaine de la santé et appuyer ce changement par un fait.
Les interventions de l’État québécois dans le domaine social
Cahier de traces
Conseil techno
Dans le module interactif, consulte la section « Capture d'écran » pour te familiariser avec cette technique.
3. L’État québécois et le domaine économique
À la fin des années 1950, la production industrielle ralentit au Québec alors que la continentalisation de l’économie se poursuit. Cela accentue le poids économique de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique dans le secteur manufacturier. Situé aux abords des Grands Lacs et à proximité des grandes villes industrielles américaines, Toronto remplace peu à peu Montréal comme plaque tournante de l’économie canadienne.
Dépendante de l’entreprise privée et des investissements étrangers, l’économie québécoise devient de moins en moins compétitive même si elle continue de fournir des conditions favorables à la production industrielle. Autrement dit, l’accès aux matières premières, à une main d’œuvre bon marché et à une source d’énergie peu couteuse ne suffit plus pour retenir les capitaux nécessaires au développement économique du Québec.
3.1. Les interventions économiques de l’État québécois
Au tournant des années 1960, des économistes francophones comme Jacques Parizeau se préoccupent du ralentissement de la production industrielle et de la marginalisation économique du Québec au sein de l’Amérique du Nord.
Dès son arrivée au pouvoir, Jean Lesage collabore avec des économistes et des fonctionnaires pour élaborer une politique de développement économique. Cette politique prend forme avec la création de plusieurs sociétés d’État dans le domaine de la finance ainsi que dans les secteurs primaire et secondaire, ce qui engendre une expansion massive de l’administration publique québécoise.
Quelques sociétés d’État créées dans les années 1960 et 1970
Noms (acronymes) | Secteurs | Années de création |
---|---|---|
Société générale de financement (SGF) | Financier | 1962 |
Sidérurgie du Québec (SIDBEC) | Minier | 1964 |
Société québécoise d’exploitation minière (SOQUEM) | Minier | 1965 |
Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) | Financier | 1965 |
Société de récupération, d’exploitation et de développement forestiers (REXFOR) | Forestier | 1969 |
Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP) | Pétrolier | 1969 |
Société nationale de l'amiante (SNA) | Minier | 1978 |
Inspiré par le keynésianisme, le gouvernement de Lesage propose que l’État québécois occupe un rôle plus central dans l’économie provinciale et qu’il dote les francophones d’un levier de croissance économique. Cette intervention étatique nécessite toutefois des capitaux importants, que ce soit pour soutenir les organismes publics, les entreprises privées ou les entrepreneurs individuels.
Le gouvernement de Jean Lesage crée ainsi des sociétés d’État pour renforcer la capacité d’emprunt de l’État québécois et pour appuyer le développement économique du Québec. Alors que la Société générale de financement (SGF) rassemble des capitaux pour subventionner les entrepreneurs en démarrage ou en difficulté, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) administre les fonds gouvernementaux afin de les faire fructifier et de les réinvestir dans les entreprises québécoises.
En plus de contribuer à l’essor de l'entrepreneuriat francophone et de réduire la mainmise des investisseurs étrangers sur l’économie provinciale, la SGF et la CDPQ appuient les organismes publics responsables d’assurer l’intervention étatique dans plusieurs secteurs économiques.
Les sociétés d’État et l’exploitation des ressources naturelles
Dans les secteurs primaire et secondaire, le gouvernement québécois multiplie les sociétés d’État afin de participer à l’exploitation et la transformation des matières premières. Par exemple, la Sidérurgie du Québec (SIDBEC) contribue à l’exploration minière et à l’extraction des minerais en collaborant avec des entreprises propriétaires de mines. La collaboration entre cette société d’État et les entreprises privées étrangères stimule notamment l’exploitation du fer sur la Côte-Nord et la création de villes mono-industrielles comme celles de Gagnon et de Fermont. Par l’entremise de ses sociétés, l’État québécois contribue également à la transformation du bois, à la prospection pétrolière et à l’exploitation de l’amiante.
À l’instar des entreprises privées qui exploitent les ressources minières, forestières et hydrauliques du Québec dans les années 1940 et 1950, les sociétés d’État misent sur les régions éloignées pour continuer l’exploitation des ressources naturelles. Le cas de l’hydroélectricité illustre bien cette tendance puisque la deuxième phase de nationalisation de l’électricité engendre une intervention étatique complexe dans les régions nordiques du Québec.
Étape 1
Situe sur la carte les ressources naturelles exploitées à l’époque de la Révolution tranquille :
- La centrale hydroélectrique de Carillon
- La centrale hydroélectrique Manic-5
- La centrale hydroélectrique Robert-Bourassa (La Grande-2)
Étape 2
Indique le changement territorial en lien avec le développement énergétique du Québec.
En examinant les documents 14 et 15, identifie deux mesures économiques mises en place par le gouvernement de Jean Lesage. Pour chacun des documents, explique les raisons qui poussent le gouvernement à prendre ces mesures.
Extrait d’un exposé sur la nationalisation de l’électricité présenté par René Lévesque en 1962
« C’est au peuple du Québec de prendre dans ses mains, librement et fièrement, la première et la plus importante de toutes les clés d’une économie moderne. Et ça, ça veut dire la nationalisation de l’électricité. C’est-à-dire des onze compagnies, y en a dix qui sont indiquées ici il en manque seulement une, une petite filiale de la Shawinigan qui est quelque part sur le Saint-Maurice, la Saint-Maurice Power Corporation. Toutes les autres là, c’est les compagnies qui font, dans la Province de Québec sous le système de production privée, la production et le commerce d’électricité et qui ont quelques milliers d’actionnaires seulement. Dont souvent, très souvent, les principaux, les plus pesants, sont en dehors du Québec. Et la nationalisation c’est simplement de ramener dans le Québec la propriété entre les mains de 5 300 000 actionnaires, c'est-à-dire nous tous, la propriété de notre électricité. »
Source : Parti libéral du Québec, Maîtres chez nous - La nationalisation de l’électricité expliquée par René Lévesque (1962), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P443,S77,DFN90- 503, 04:16-05:05. Licence : extrait utilisé avec la permission du Parti libéral du Québec, tous droits réservés.
Extrait d’un article de journal publié en 1965
« Les économistes consultés par le gouvernement de M. Lesage [...] soutiennent que la création, par le gouvernement, d’une Caisse de dépôt et de placement en vue de l’administration du fonds accumulé, que constituera la caisse de retraite provinciale, se révélera le grand moyen pour les Québécois de prendre la direction des centres de décisions économiques selon leurs intérêts, leurs besoins et leurs objectifs. [...] La Caisse de dépôt et de placement permettra le regroupement, dans les mains des Québécois, de leurs épargnes collectives, ce qui permettra d'utiliser ces capitaux pour la modernisation de notre commerce et de notre industrie. »
Source : Auteur inconnu, « Projet de loi déposé aujourd’hui : création de la Caisse de dépôt », Le Soleil, 26 mai 1965, p. 1, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004878815.
3.2. La fonction publique de l’État québécois et l’expansion du secteur tertiaire
La multiplication des ministères et des sociétés d’État entraine une croissance rapide de l’administration publique québécoise, dont les effectifs passent de 54 080 en 1961 à 126 100 en 1980. En plus de consolider la laïcisation de l’État québécois, l’accroissement de sa fonction publique contribue à l’expansion du secteur tertiaire. De plus en plus de travailleurs intègrent d'ailleurs ce secteur, que ce soit pour offrir les services publics de l’État québécois ou pour vendre les services des entreprises privées comme les banques ou les commerces. Alors que 4 personnes sur 10 œuvrent dans le secteur tertiaire au début des années 1950, 6 personnes sur 10 travaillent dans ce secteur au tournant des années 1980.
Entre 1960 et 1970, le budget du gouvernement provincial passe d’environ 600 millions à 1,8 milliard de dollars, ce qui permet de financer la création des ministères et des sociétés d’État, l’embauche de fonctionnaires ainsi que l’instauration de politiques progressistes. Ces ministères et sociétés d’État deviennent une porte d’entrée sur le marché du travail pour de nombreux francophones qui prennent une place de plus en plus importante dans l’économie québécoise. La fonction publique permet aux diplômés universitaires issus de l’ingénierie, des sciences naturelles et des sciences humaines de parachever leur formation et de se tailler une place au sein de l’État québécois.
- Source des données : D. Latouche, « La vraie nature... de la Révolution tranquille », Revue canadienne de science politique, vol. 7, no 3 (sept. 1974), p. 529, en ligne.
4. L’État québécois et le domaine politique
Dans la foulée de la Révolution tranquille, les politiques sociales progressistes et l’intervention économique de l’État québécois accélèrent la modernisation du Québec. Pour étendre la portée de cette modernisation, le gouvernement québécois découpe la province en dix régions administratives en 1966. Avec ces régions administratives, le gouvernement provincial cherche à planifier le développement économique et à instaurer les mesures sociales sur l’ensemble du territoire occupé par la population québécoise.
Pour assurer la continuité de la modernisation dans le temps, le gouvernement québécois entreprend une réforme de ses institutions démocratiques, qui deviennent le porte-voix d’un plus grand nombre de Québécois. En parallèle, l’élaboration de politiques canadienne et québécoise sur les droits et les libertés de la personne témoigne du changement dans les mentalités qui caractérise la modernisation du Québec.
4.1. La réforme des institutions démocratiques québécoises
Au moment où les enfants nés durant le bébé-boum commencent à atteindre l’âge adulte, le gouvernement québécois amorce une réforme des institutions démocratiques. En plus de représenter un électorat substantiel pour les partis politiques, plusieurs politiciens perçoivent la génération issue du bébé-boum comme un élément essentiel de la modernisation du Québec. Dès 1963, le gouvernement de Jean Lesage adopte une loi qui abaisse l’âge du droit de vote de 21 à 18 ans aux élections provinciales. Le but de cette loi est d’initier les jeunes adultes à la vie démocratique, mais aussi de mobiliser le vaste électorat que forme la jeunesse québécoise.
Tandis que le bébé-boum rajeunit l’électorat québécois, l’urbanisation renforce le poids démographique des agglomérations urbaines. Malgré l’augmentation du nombre d’électeurs et d’électrices dans la région métropolitaine, leur représentation politique ne change pas à l’Assemblée législative. Le gouvernement provincial entreprend ainsi une refonte de la carte électorale pour refléter l’évolution démographique de la population québécoise. Cette refonte mène à la création de treize nouvelles circonscriptions en 1965, ce qui dote l’île de Montréal de onze députés additionnels et qui améliore la représentation de l'électorat urbain à l’Assemblée législative.
Alors que le système électoral devient plus démocratique, le droit de veto que le Conseil législatif détient sur l’Assemblée législative perd sa légitimité auprès des députés provinciaux et de l’électorat québécois. En 1968, le gouvernement de l’Union nationale poursuit donc la réforme des institutions démocratiques avec l’abolition du Conseil législatif, ce qui dote le Québec d’un système parlementaire à une seule chambre élue. Désormais nommée Assemblée nationale, cette chambre forme le Parlement du Québec avec le lieutenant-gouverneur, qui représente la couronne britannique au palier provincial.
En 1977, afin de rendre le système électoral plus transparent, le gouvernement de René Lévesque instaure un contrôle du financement des partis politiques. Désormais, les partis doivent déclarer la provenance de leur financement. Cette mesure vise à éliminer les contributions secrètes et à restreindre le favoritisme qui découle de ces contributions. Dès lors, seul un électeur peut contribuer à la caisse électorale d'un parti politique. Le financement ne peut plus provenir des entreprises, des syndicats et de toutes autres associations.
À partir des documents, identifie trois mesures adoptées par le gouvernement québécois entre 1960 et 1980 qui contribuent à la modernisation des règles électorales?
Extrait d’un article de journal publié le 2 janvier 1964
« La nouvelle loi électorale du Québec, qui accorde le droit de vote à tous les citoyens âgés de 18 ans et plus, est entrée en vigueur [hier] avec la nouvelle année [...]. »
Source : Auteur inconnu, « Aujourd’hui », La Presse, 2 janvier 1964, p. 1, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000082812.
Extrait d’un article de journal publié en 1965
« L’Assemblée législative a décidé de porter de 95 à 108 le nombre de circonscriptions électorales provinciales au Québec. Un projet de loi sur une redistribution de la carte électorale a été accepté en dernière lecture sur division et il augmente de 12 le nombre de comtés dans la région de Montréal. »
Source : Auteur inconnu, « L’Assemblée législative adopte la nouvelle carte électorale », L’Action populaire, 4 août 1965, p. 3, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000164310.
Citation de Robert Burns, ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire du gouvernement du Parti québécois dirigé par René Lévesque, en 1977
« Le gouvernement dont je fais partie a décidé de maintenir l'interdiction faite aux compagnies de contribuer au financement des partis politiques. Par là, il réaffirme que seuls les citoyens électeurs peuvent contrôler le financement des partis politiques. [...]
Nous avons décidé [...] de vaincre le cancer de l'argent qui rongeait nos institutions publiques et politiques. L'inégalité financière entre les électeurs et les compagnies ne pourra plus, espérons-le, produire des gouvernements soumis aux diktats de la minorité des plus riches. [...] [L]e citoyen se sent constamment frustré par cette possibilité qu'avaient — et, espérons, qu'elles ne l'auront plus — certaines corporations de diriger certaines décisions gouvernementales. »
Source : Assemblée nationale du Québec, Journal des Débats : commissions parlementaires, 31e législature, 2e session, 14 juin 1977, B4209-B4210, en ligne sur Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec.
4.2. Les droits de la personne au Canada et au Québec
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des Nations unies souhaite doter l’humanité d’un idéal commun qui permettrait d’assurer le respect de la dignité humaine à l’échelle planétaire. En 1948, les États membres de cette organisation internationale signent la Déclaration universelle des droits de l’homme, un document qui énonce une cinquantaine de droits et libertés indispensables au respect de la dignité humaine.
Inspiré par les valeurs universelles de ce document, le gouvernement conservateur de John Diefenbaker adopte la Déclaration canadienne des droits en 1960. En plus de défendre le droit à la vie, le droit à la sécurité et le droit à la propriété, la loi fédérale protège la liberté de conscience, la liberté d’expression et la liberté d’association des citoyens. Le gouvernement canadien ajoute toutefois une clause dérogatoire qui permet d’outrepasser cette loi et de ne pas respecter les droits de la personne dans certains cas. Cette disposition sera utilisée uniquement durant la crise d’Octobre de 1970.
Puisque la mise en application de la Déclaration canadienne des droits se limite aux champs de compétence fédéraux, les provinces élaborent tour à tour leur propre loi sur les droits de la personne. Adoptée en 1975, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec cherche notamment à défendre les individus contre la discrimination fondée sur le sexe, l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle, le handicap et l’âge. À l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les lois fédérale et provinciale sur les droits et libertés de la personne reflètent un changement dans les mentalités des sociétés canadienne et québécoise.
De plus, les gouvernements canadien et québécois élaborent des lois qui cherchent à répondre à la transformation des mentalités sur des enjeux spécifiques. Le gouvernement fédéral élabore notamment une loi omnibus pour modifier de nombreuses dispositions du Code criminel touchant la vie privée des individus. Adoptée en 1969, cette loi décriminalise entre autres la contraception et l’avortement thérapeutique ainsi que l’homosexualité, qui pouvaient jusqu’alors entrainer l’emprisonnement à vie.
Malgré ce changement sur le plan légal, plusieurs stéréotypes subsistent à l’égard des femmes qui choisissent l’avortement et des gais. Pour lutter contre ces préjugés, de plus en plus de personnes se regroupent au sein de réseaux informels et d’associations militantes qui porteront des revendications au-delà des années 1970. Au même titre que les acteurs gouvernementaux, ces groupes contribuent à la transformation des mentalités sur des enjeux comme l’égalité entre les hommes et les femmes et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Les documents 19 à 21 présentent les positions de trois acteurs sur l’avortement. Nomme l’acteur qui présente une position différente et compare sa position à celle des deux autres acteurs
Extrait d’un mémoire présenté par l’Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec au sujet du projet de loi modifiant le droit pénal en 1968
« Les médecins des hôpitaux du Québec croient que tout avortement est un homicide, car le fœtus est un être humain. [...] Si la loi est faite pour protéger les faibles, l'enfant qui est encore dans le sein de sa mère a droit plus que tout autre d'être protégé par l’État [...].
À cause des abus que ce projet de loi sur l’avortement peut apporter, l’Association des bureaux médicaux des hôpitaux de la province de Québec (ABMHPQ) s’oppose à la légalisation de l’avortement thérapeutique, dans les cas où l’unique motivation est la santé et le bien-être de la mère. L’ABMHPQ est contre le texte actuel du projet d’amendement C-195 et désire qu’il soit amendé afin d’en restreindre les indications aux cas de danger sérieux à la vie de la mère. »
Source : Les Directeurs de L’ABMHPQ, « Avortement : mémoire des médecins d’hôpitaux », Maintenant, août 1968, p. 204-206, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 000502125.
Extrait d’un article de revue écrit par le religieux jésuite Marcel Marcotte et publié en 1968
« [T]oute femme a droit de décider du nombre de ses enfants, mais la mise en œuvre de cette décision relève du contrôle des naissances, non de l'avortement; toute femme a pareillement droit d'user de son corps à sa convenance, mais le fœtus, au dire de la science, est un être humain indépendant, en cours de développement, et non pas une partie du corps de sa mère. Il s’ensuit que, si l’avortement peut être autorisé dans les cas les plus graves de péril pour la vie ou la santé de la mère, il ne doit jamais l’être pour de simples motifs d’ordre économique ou social, ou pour des raisons de commodité. »
Source : Marcel Marcotte, S.J., « Catholiques et non-catholiques devant l’avortement », Relations, no. 326, avril 1968, p. 110, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004875781.
Citation de Lise Payette, animatrice à Radio-Canada, en 1968
« Pour moi, la légalisation de l'avortement, c'est d'abord et avant tout une question de liberté. Je reconnais à la femme le droit de décider de la vie qu'elle porte dans ses entrailles. Elle doit pouvoir accepter ou refuser de donner naissance à un enfant. Et la société se doit de fournir à chaque femme les moyens thérapeutiques de faire ce choix sans courir le risque de se faire gratter l'intérieur du ventre à la petite cuillère. [...] [Il faut] donner à celles qui acceptent librement l'intervention chirurgicale la possibilité qu'elle soit pratiquée par un médecin reconnu, dans une institution adéquate. »
Source : France Demers, « L’avortement légalisé, bienfait ou désastre? », La Patrie, 17 mars 1968, p. 17, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000586549.
À partir du document 22, indique un changement dans le statut juridique de l’homosexualité.
Citation de Pierre-Elliott Trudeau, premier ministre du Canada, en 1968
« Tout ce que nous disons dans l'amendement au code pénal que nous proposons, c'est que ce qui se fera en privé entre deux adultes, que ce soit un homme et une femme ou pas, ça les regarde, ça regarde pas la police. Ça regarde la conscience des gens, ça regarde peut-être leur confesseur ou leur relation avec la religion, mais ça regarde par la police. C’est ce que nous disons donc. Nous n'autorisons pas l'homosexualité, nous disons simplement que nous n'allons pas punir, nous n'enverrons pas de police dans les chambres à coucher pour voir ce qui se passe entre adultes majeurs, consentants, en privé. »
Source : Débat des chefs, élection fédérale 1968, 9 juin 1968, Société Radio-Canada, 02:44-03:13. Licence : extrait utilisé avec la permission de la Société Radio-Canada.
4.3. En route vers la réussite
Tu viens d’atteindre une deuxième section « En route vers la réussite ». Tu pourras te familiariser avec une question de compétence 2 dans une vidéo interactive.
- Prends d’abord connaissance des consignes.
- Puis, revisite le guide de la compétence 2 pour te rappeler les étapes importantes.
- Finalement, complète la vidéo interactive pour répondre à la question.
- Prends une capture d’écran de ta réponse pour l’insérer dans le cahier de traces.
En route vers la réussite 2
Consignes
À partir des années 1960, l’État québécois met en place des réformes des institutions démocratiques et des lois sur les droits et libertés de la personne.
Explique des changements dans le domaine de la démocratie et des droits de la personne dans la société québécoise des années 1960 et 1970.
Dans ton texte, tu devras :
- indiquer un changement dans les institutions démocratiques et expliquer pourquoi ce changement se produit;
- indiquer un changement dans les droits de la personne et expliquer pourquoi ce changement se produit.
Les interventions de l’État québécois dans les institutions démocratiques et les droits de la personne
Cahier de traces
5. En route vers la réussite
Tu viens d’atteindre une troisième section « En route vers la réussite ». Tu pourras répondre à une question de compétence 2 dans une vidéo interactive.
- Prends d’abord connaissance des consignes.
- Puis, revisite le guide de la compétence 2 pour te rappeler les étapes importantes.
- Finalement, complète la vidéo interactive pour répondre à la question.
- Prends une capture d’écran de ton schéma et une capture d’écran de ton texte pour les insérer dans le cahier de traces.
En route vers la réussite 3
Consignes
À partir des années 1960, l’État québécois multiplie les interventions dans les domaines financier et de l’énergie.
Explique des changements dans le domaine économique dans les années 1960 et 1970.
Dans ton texte, tu devras :
- indiquer un changement dans le domaine financier et expliquer pourquoi ce changement se produit;
- indiquer un changement dans le domaine de l’énergie et expliquer pourquoi ce changement se produit.
Les interventions de l’État québécois dans le domaine économique
Cahier de traces
Grille d'évaluation
Critère d'évaluation
- Rigueur de l'interprétation
6. Révision
Visionne les explications d'un enseignant sur les éléments les plus importants du chapitre.