La bourgeoisie industrielle
Le capitalisme fait émerger un nouveau groupe social, la bourgeoisie industrielle. Cette élite est plutôt urbaine, anglophone et protestante, mais plusieurs francophones en font également partie.
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Cours: | HQC4 - webinaire 2022 |
Livre: | La population et la vie sociale de 1840 à 1896 |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | dimanche, 22 décembre 2024, 17:06 |
Comme tu l’as déjà vu au chapitre précédent, le Québec et le Canada traversent une période de changements majeurs entre 1840 et 1896. L’industrialisation bouleverse la structure économique et transforme le territoire. Ce phénomène engendre également des transformations au sein des groupes qui composent la société, aussi marquée par plusieurs mouvements migratoires. Le chapitre est divisé en deux parties.
Dans la première partie, ton travail portera sur les groupes sociaux qui forment la population. Dans le contexte de l'industrialisation, quelle est la réalité de ces groupes sociaux?
Dans la seconde partie, ton travail portera sur les principaux mouvements de population qui marquent la société québécoise. Qui sont ceux et celles qui arrivent dans la colonie ou qui en repartent? Quels déplacements de population ont lieu à l’intérieur du territoire, entre les villes et les campagnes? À quel moment et pourquoi ces mouvements se produisent-ils?
Deux projets technologiques te seront proposés à la fin du chapitre. Ils te permettront de valider tes connaissances et ta maitrise de la compétence 1.
Consulte le portrait de chacun des quatre personnages ci-dessous. À quel groupe social peux-tu associer chacun d’entre eux?
Sir Hugh Allan (1810-1882)
Né en Écosse, Allan arrive à Montréal en 1826. L’entreprise d’importation à laquelle il est associée, la H. & A. Allan Company, devient la plus importante firme de transport transatlantique de passagers, de biens manufacturés et de matières premières au Canada. Il investit également dans le domaine ferroviaire et devient un important banquier et un spéculateur foncier. Il crée le premier véritable empire commercial et industriel canadien.
François-Xavier Picard, dit Tahourenché (1810-1883)
Grand Chef de 1870 à 1883, Tahourenche fut un chef important dans l’histoire des Hurons-Wendat. Sous son règne, il aide ses compatriotes à faire face à d’importants changements, tels la fin de la chasse comme activité principale et son remplacement par une économie basée sur l’artisanat et le petit commerce. Résistant à l’assimilation culturelle, il renforce la culture huronne en faisant revivre certaines traditions de sa nation.
Félicité Angers, dite « Laure Conan » (1845-1924)
Vers la fin des années 1870, Félicité Angers devient l’une des premières romancières canadiennes-françaises. Elle écrit sous le nom de plume de Laure Conan. Issue d’une famille de commerçants de La Malbaie, elle publie en 1882 son oeuvre la plus importante, Angéline de Montbrun, considérée comme le premier roman psychologique québécois. Il s’agit d’un jalon important dans l’apparition d’une littérature canadienne-française.
Edward Connolly (personnage hypothétique)
Fuyant la famine qui sévit alors en Irlande, Edward Connolly émigre au Canada en 1847, avec sa femme Ann et ses sept enfants. Après avoir passé quelque temps en quarantaine à Grosse-Île, il s’installe dans le quartier Champlain à Québec où résident beaucoup de ses compatriotes. En 1851, âgé de 40 ans, il travaille sur les quais du port comme débardeur aux côtés de son fils aîné James, âgé de 20 ans.
Tu peux cliquer sur les groupes sociaux pour consulter le verso d'une carte pivotante.
Le capitalisme fait émerger un nouveau groupe social, la bourgeoisie industrielle. Cette élite est plutôt urbaine, anglophone et protestante, mais plusieurs francophones en font également partie.
La bourgeoisie industrielle détient les moyens de production et le capital. Elle contrôle la finance, le commerce, l'industrie et ses membres s’impliquent en politique. Plusieurs immigrants provenant du Royaume-Uni, parviennent à se tailler une place de choix dans ce groupe social. Enfin, les femmes de la bourgeoisie industrielle assument un rôle social par le financement d’organisations charitables qui offrent de l’aide aux personnes démunies.
Source : Wm. Notman & Son, F. J. Francis et un ami (1895), Musée McCord, II-109450. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).
Héritiers des artisans de l’ère préindustrielle, les ouvriers qualifiés disposent d’un savoir-faire les rendant capables de réaliser des tâches particulières comme la manipulation des machines d’impression par les typographes.
Parmi les ouvriers qualifiés, plusieurs proviennent d’Angleterre ou d’Écosse. Ils trouvent rapidement des emplois dans les manufactures. Plus recherchés et plus difficiles à remplacer en raison de leurs compétences, ils ont un plus grand poids de négociation auprès de leurs patrons. Dès le début du 19e siècle, des travailleurs qualifiés se regroupent en fonction de leurs corps de métiers afin de défendre leurs intérêts. Ils fondent ainsi les premières associations ouvrières du Québec, ancêtres des syndicats.
Source : Auteur inconnu, Les typographes du journal de l'Action Sociale limitée (1910), Bibliothèque et Archives nationales du Québec,
P428,S3,SS1,D2,P2. Licence : domaine public.
Apparus avec l’industrialisation, les ouvriers non qualifiés sont employés dans les manufactures des villes. Ces ouvriers et ouvrières sans formation travaillent dans des conditions de travail difficiles et disposent de peu de droits parce qu’ils sont facilement remplaçables.
Ces travailleurs sont surtout Canadiens français et Irlandais. Fuyant la Grande famine d’Irlande (1845-1852), les Irlandais forment une main-d’oeuvre bon marché dans les chantiers de construction à Montréal, dans l’industrie du bois en Mauricie, et dans la construction navale à Québec. À la fin du siècle, des Juifs d’Europe de l’est et des Italiens s’ajoutent à ce groupe.
Source : N.M. Hinshelwood, Femme en train de repasser un jupon empesé, M. T. S., QC (vers 1901), Musée McCord, MP-1985.31.179. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).
À mesure que s’industrialise le Canada dans la seconde moitié du 19e siècle, beaucoup d’enfants non scolarisés sont engagés pour travailler dans les manufactures des villes.
Ceux-ci sont encore moins bien payés que les femmes et ils occupent des emplois où leur petite taille est un atout. Leur nombre diminue toutefois à mesure que la fréquentation scolaire augmente progressivement, surtout après 1870, alors que plusieurs écoles sont ouvertes au Québec.
Source : Lewis Wickes Hine, Fileuse travaillant pour la Vivian Cotton Mills, Cherryville, États-Unis (1908), Library of Congress, LOT 7479, v. 1, no. 0271. Licence : domaine public.
Les seigneurs font partie de l’élite de la société canadienne depuis le Régime français. Ils tirent leurs revenus de l’exploitation de leur seigneurie et forment une noblesse locale jouissant d’un fort prestige.
Toutefois, leur pouvoir décline à mesure qu’émerge le capitalisme industriel auquel ils participent peu. Ce qui restait de leurs privilèges disparait en 1854 avec l’abolition du régime seigneurial. En contrepartie, le gouvernement remet une somme considérable aux seigneurs. Par ailleurs, les seigneurs demeurent propriétaires de leur domaine et des terres qu’ils n’ont pas concédées.
Source : Auteur inconnu, Philippe Aubert de Gaspé (vers 1870), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, P560,S2,D1,P1623. Licence : domaine public.
Cette classe rassemble les membres des professions libérales, mais aussi les marchands et les membres du clergé.
La bourgeoisie professionnelle, dont l’existence se consolide au cours du 19e siècle, est composée en bonne partie de francophones. Ils vivent autant dans les milieux urbains que ruraux. Quant aux femmes de la bourgeoisie professionnelle qui ont reçu une instruction, elles sont actives dans le milieu culturel. Elles s’investissent notamment dans le domaine de l’écrit ou de l’éducation, devenant journalistes, écrivaines, professeures, artistes, etc.
Source : J.E. Livernois, Étienne-Pascal Taché (vers 1865), Bibliothèque et Archives Canada, PA-074100, MIKAN 3221530. Licence : domaine public.
Les agriculteurs représentent une grande partie de la population. Si certains exploitants agricoles sont prospères et jouissent de vastes étendues de terre à cultiver, d’autres agriculteurs possèdent de plus petites terres, ce qui les voue à une vie modeste.
À mesure que l’agriculture se mécanise, la production des cultivateurs se destine principalement au marché. Plusieurs agriculteurs ne possèdent pas leur propre lopin de terre, les obligeant à aller de ferme en ferme en quête de travail salarié. Dans les régions comme l’Outaouais, la Mauricie et le Saguenay, les agriculteurs tirent un revenu d’appoint de l’exploitation forestière durant la saison hivernale.
Source : Auteur inconnu, « Premier arrivé, premier servi », Le Monde illustré, vol. 4, no 178, 1er octobre 1887, p. 172, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0002749706. Licence : domaine public.
Le terme « Autochtones » englobe trois groupes distincts : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Les Premières Nations regroupent l’ensemble des premiers peuples d’Amérique du Nord, les Inuits forment un peuple qui vit dans l’Arctique canadien et les Métis sont les descendants d’unions mixtes entre Autochtones et non-autochtones qui partagent une culture commune distinctive.
À la fin du 19e siècle, les Premières Nations représentent environ 10 000 personnes, c’est-à-dire moins de 1 % de la population du Québec. Les membres des Premières Nations du Québec sont répartis dans la vallée du Saint-Laurent, en Gaspésie ainsi que dans la région subarctique du Canada. De leur côté, les Inuits sont moins en contact avec les Blancs. Ils forment un groupe culturellement plus homogène, vivant selon un mode de vie traditionnel centré sur la pêche. Ils vivent presque tous dans l’Ungava, un immense territoire faisant alors partie des Territoires du Nord-Ouest.
Source : Joseph-Amédée Dumas, Cabane autochtone, Kanawake, QC (1890), Musée McCord, MP-0000.932.10. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).
Remplis le tableau afin de faire ressortir les caractéristiques principales des groupes sociaux de la population entre 1840 et 1896.
Entre 1840 à 1896, les conditions de vie et de travail sont particulières à chacun des groupes de la société. Avec l’industrialisation, les conditions de travail comme le nombre d’heures, la sécurité et le salaire se transforment et soulèvent des remises en question. Les conditions de vie qui font référence notamment au logement, à l’hygiène et à l’accès à l’alimentation se modifient avec l’urbanisation et la densification du territoire montréalais.
Que t’apprennent les documents ci-dessous sur les conditions de travail des ouvriers pendant la première phase d’industrialisation? Résume d’abord les faits pour chacun des documents dans ton cahier de traces. Formule ensuite une réponse qui rassemble l’information recueillie.
Témoignage d’Adèle Lavoie, 19 ans, employée de la manufacture de coton Ste-Anne, en février 1888
« Q. Combien étiez-vous payé par pièce [de vêtement]?
R. Seulement $0.25 par pièce. [...]
Q. Y a-t-il des enfants qui travaillent dans l’atelier où vous travaillez?
R. Oui monsieur, il y a des enfants pour charroyer les fils et les boîtes.
[...]
Q. Est-il permis à ces enfants de jouer pendant la journée?
R. Non, monsieur. [...]
Q. À quelle heure alliez-vous à la fabrique?
R. La journée devait commencer à six heures et demie. [...]
Q. À quelle heure le travail finissait-il?
R. Quand on ne travaillait pas le soir,
on finissait à six heures et quart et quand on travaillait le soir, à sept heures et quart.
Q. Quand vous travailliez jusqu’à sept heures et quart,
aviez-vous un temps de repos pour prendre votre thé ou pour vous reposer?
R. Non, monsieur, et si on ne travaillait pas jusqu’à sept heures et quart, on
était clairé [renvoyé]. [...] »
Source : James Armstrong et Augustus Toplady Freed, Enquête sur les rapports qui existent entre le capital et le travail au Canada, Ottawa, A. Senécal,1889, p. 311-313, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000599736.
Extrait d’un rapport publié par le docteur Samson en 1893
« Je viens d’inspecter une manufacture où sont employés un nombre considérable d’hommes, de femmes et d’enfants. Dans la salle où travaillent les femmes, des ordures entassées sous les tables croupissent mêlées à une matière poisseuse formée par l’huile des rouages. De ces ordures s’échappe une odeur qui est loin d’être salubre. Le lavage paraît inconnu. Il n’y a pas de balayage régulier; seulement, aux heures de travail, chaque ouvrière est libre d’épousseter son coin.
L’hiver, tout ce qu’il y a de ventilation s’exerce aux heures de travail. Tout se ferme après la journée, par économie [de chaleur], et les ouvriers à leur retour retrouvent l’air vicié de la veille. »
Source : « Rapport du docteur Samson (1893) » cité dans Jean de Bonville, Jean-Baptiste Gagnepetit. Les travailleurs montréalais à la fin du XIXe siècle, Montréal, Éd. de l’Aurore, 1975, p. 71-72
Témoignage d’un ouvrier anonyme en 1888
« Un témoin qui ne veut pas que le public sache son nom dépose : Les apprentis [enfants] sont traités comme des esclaves [par les contremaîtres] [...]. Il y a un cachot où l’on enferme les enfants, c’est une chambre où il n’y a pas de fenêtre. En hiver il y fait froid. [...] J'ai vu battre des enfants [...]. Ils se sont mis trois contre un et l’ont déshabillé pour le battre mieux. »
Source : Auteur inconnu, « La Commission du travail », L’Étendard, 7 février 1888, p.1, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000082443.
Extrait d’un article de journal publié en 1887 qui porte sur l’hôpital Notre-Dame à Montréal
« Au troisième étage est la salle des malades traités par les chirurgiens. Seize patients y sont installés, au nombre desquels le jeune Lépine, qui a dû subir l’amputation des deux bras près de l’épaule, à la suite d’un accident d’où il fut victime à la fabrique de coton d’Hochelaga. Le pauvre jeune homme est en pleine convalescence. »
Source : Auteur inconnu, « Hôpital Notre-Dame », La Presse, 28 décembre 1887, p. 1, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000082812.
À l’aide des documents suivants, compare la situation des femmes de la bourgeoisie à celle des femmes de la classe ouvrière. Identifie une similitude et une différence.
Consulte attentivement les documents 5 à 7 avant d'écouter la vidéo.
Une bourgeoise donnant ses instructions à sa domestique
Source : H., C., « Une bourgeoise donnant ses instructions à sa domestique », Canadian Illustrated News, vol. 25, no.1, 7 janvier 1882, Bibliothèque et Archives Canada, collection Canadian Illustrated News, item 332. Licence : domaine public.
« Le travail : tu te plains, mon pauvre mari, de tes 10 heures d'ouvrage; voici quatorze heures que je travaille, moi, et je n'ai pas encore fini ma journée. »
Source : Joseph Swain, « Le travail : tu te plains, mon pauvre mari, de tes 10 heures d'ouvrage; voici quatorze heures que je travaille, moi, et je n'ai pas encore fini ma journée. » (1871), Musée McCord, C572_A.02.532.1. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).
Sélection d’articles du Code civil du Bas-Canada (entré en vigueur en 1866)
« 174. Le mari doit protection à sa femme ; la femme doit obéissance au mari.
175. La femme est obligée d’habiter avec le mari, et de le suivre partout
où il juge à propos de résider. Le mari est obligé de la recevoir et lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés
et son état.
187. Le mari peut demander la séparation de corps pour cause d’adultère de sa femme.
188. La femme peut demander la
séparation de corps
pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il tient sa concubine dans la maison commune. [...]
985. Toute personne est capable de contracter,
si elle n’en est pas expressément déclarée incapable par la loi.
86. Sont incapables de
contracter : les mineurs [...]; les interdits; Les femmes mariées, excepté dans les cas spécifiés par la loi [...]. »
Source : E.L. de Bellefeuille, Code Civil du Bas-Canada, Montréal, Beauchemin et Valois, 1866, p. 39, 40, 232 et 233, en ligne sur Canadiana.
Au 19e siècle, le déclin de la traite des fourrures atténue les relations commerciales entre les peuples autochtones et les colons d’origine européenne. De plus, l’essor de l’industrie forestière a un impact important sur les nations autochtones puisque leurs territoires sont souvent occupés par des exploitants forestiers et des squatters (des colons non autorisés).
Ces changements perturbent les activités économiques des Premières Nations comme la chasse, la pêche et le piégeage. Conséquemment, les Autochtones ont de plus en plus de mal à assurer leur subsistance et se retrouvent fréquemment en situation de pauvreté. Ces difficultés entrainent à leur tour un déclin démographique au sein des populations autochtones.
Mécontentes de leur situation, plusieurs Premières Nations réclament la protection de leurs territoires auprès des autorités politiques. Malgré la création de réserves au Bas-Canada en 1851, les Premières Nations continuent de vivre sur leurs territoires, qui sont beaucoup plus vastes que les terres attribuées par le gouvernement. Ces réserves sont mises en place dans le but d’écarter les Premières Nations des terres convoitées par les Blancs pour l’exploitation forestière et la colonisation. Les autorités politiques créent également ces réserves pour assimiler les Premières Nations et leur faire abandonner leur culture traditionnelle.
Les églises catholiques et protestantes continuent d’envoyer des prêtres missionnaires auprès des Premières Nations dans l’espoir de les convertir au christianisme. Les autorités religieuses encouragent également les Premières Nations à délaisser leur mode de vie nomade ou semi-nomade en vue de pratiquer l’agriculture près des réserves. Malgré ces pressions, les Premières Nations continuent de chasser et de pêcher sur leurs territoires traditionnels et demeurent réticentes à se tourner vers l’agriculture. En été, les peuples autochtones vivent sur les réserves du Bas-Canada pour participer à des activités économiques comme le travail salarié (exploitation forestière, chantiers de construction) ou l’artisanat commercial.
Dans certains cas, la diversification des activités économiques permet aux Premières Nations de prendre part à l’économie industrielle, ce qui ne s'accompagne pas nécessairement d’une amélioration de leurs conditions de vie.
À l’aide des documents suivants, compare la manière dont des membres des Premières Nations perçoivent leur situation dans les années 1840 et la manière dont certains représentants des autorités britanniques la décrivent. En quoi ces deux descriptions sont-elles différentes?
Extrait d’une pétition écrite par des Algonquins et des Népissingues (membres des Premières nations) en 1845
« Nous étions riches autrefois, rien ne nous manquait : les forêts étaient peuplées d’animaux de toute espèce dont nous vendions les dépouilles bien cher à l’avide marchand; cela nous donnait le moyen de suffire à nos besoins et à ceux de nos enfants. Mais il n’en est plus ainsi maintenant. Les blancs s’établissent de tous côtés sur nos terres; et où l’on ne cultive pas, les gens des chantiers sont là pour détruire et faire fuir les animaux qui restent dans le petit espace de terre que l’on ne nous a pas encore ravi. Nos familles sont sans moyen de subsistance et nous ne savons pas où chercher de quoi vivre. Nous sommes réduits à la plus grande détresse. Nous voulons imiter les blancs. C’est pourquoi nous demandons un terrain pour cultiver. »
Source : « Pétition des Algonquins et des Népissingues », 1845, citée dans Alain Beaulieu, Les Autochtones du Québec. Des premières alliances aux revendications contemporaines, Québec et Montréal, Musée de la civilisation/Édition Fides, 2000, p. 67.
Extrait d’une lettre écrite en 1841 par Lord Sydenham, gouverneur de l’Amérique du Nord britannique
« Les tentatives faites pour combiner un système de tutelle avec [l]’établissement de ces peuplades dans des parties civilisées du pays, ne produisent que des embarras pour le Gouvernement et des dépenses à la Couronne; ce système entraîne avec lui le gaspillage des ressources de la Province, et fait du tort aux Sauvages eux-mêmes. Ainsi placé, l’indigène se dépouille de toutes les bonnes qualités qu’il possède dans l’état Sauvage, et n’acquiert que les vices de la civilisation. Il ne devient ni meilleur citoyen, ni meilleur cultivateur ou artisan. Il se fait ivrogne ou débauché; et ses femmes et sa famille suivent son exemple. Il occupe de bonnes terres, sans aucun profit pour lui-même et au détriment du pays. Il cause des embarras infinis au Gouvernement, et n’ajoute rien soit à la richesse, ou à l’industrie, ou à la défense du pays. »
Source : « Lettre de Lord Sydenham, gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique, à Lord Russell, secrétaire aux colonies à Londres », 22 juillet 1841, citée dans M. Lavoie et D. Vaugeois (éd.), L’impasse amérindienne : trois commissions d’enquête à l’origine d’une politique de tutelle et d’assimilation, Québec, Septentrion, 2010, 498 p.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, plusieurs mouvements migratoires marquent la société québécoise, dont la population change suivant l’immigration transatlantique, l’exode rural, l’émigration vers les États-Unis et la colonisation des régions. La vidéo ci-dessous te permettra de distinguer l’immigration et l’émigration à partir d’exemples de notre époque.
Sources des données : Statistique Canada, « Les années 1800 (1806 à 1871) », Recensements du Canada 1665 à 1871, Statistique Canada; Statistique Canada, « Séries A2-14, Population du Canada, par province, dates de recensement, 1851 à 1976 », Statistiques historiques du Canada, Section A : Population et migration, Statistique Canada; P.-A. Linteau, R. Durocher et C. Robert, Histoire du Québec contemporain, tome 1: De la Confédération à la crise (1867-1930), Montréal, Boréal, 1989, p. 26.
Après les guerres européennes qui marquent les premières décennies du 19e siècle, le nombre d’immigrants britanniques au Canada augmente rapidement. On estime qu’entre 1820 et 1850, trois millions de Britanniques partent pour l’Amérique afin d’y chercher une vie meilleure. Le tiers d’entre eux s’installent dans les colonies britanniques d’Amérique du nord. Au Bas-Canada, la population triple en un demi siècle, et une large part de cette croissance est attribuable à l’immigration.
La moitié des immigrants britanniques sont des Irlandais. Entre 1845 et 1852, la Grande Famine d’Irlande ravage les campagnes de l’île. Le pays compte un grand nombre de paysans pauvres qui se nourrissent principalement de pommes de terre. Quand une épidémie décime les plantations, une grave famine qui emporte jusqu’à 1 million de personnes éclate. 1,5 million d’autres gens choisissent l’exil, surtout vers les États-Unis, mais également vers le Canada. En 1847, 90 000 Irlandais arrivent au Canada et s’installent principalement dans le Haut-Canada. Une partie d’entre eux s’installe dans le Bas-Canada.
Le flot de cette immigration britannique se maintient jusque dans les années 1860. Montréal, alors métropole du Canada, devient majoritairement anglophone entre les années 1831 et 1866, mais d’autres régions accueillent aussi ces populations.
En effet, les personnes d’origine britannique forment la majorité de la population en Outaouais et dans les Cantons de l’Est. À Québec, elles représentent près de 40 % de la population.
À partir des décennies 1880 et 1890, de nouveaux groupes arrivent au Canada. C’est le cas des Juifs, venus d’Europe de l’Est, qui viennent grossir les rangs de la classe ouvrière et qui s’installent très majoritairement à Montréal. Cette communauté vient surtout de l’Empire russe et de quelques autres pays d’Europe centrale. Les Juifs émigrent pour échapper à l’antisémitisme de plus en plus violent dans leurs pays d’origine, mais également par nécessité économique.
Vers la fin du 19e siècle, les immigrants proviennent de pays de plus en plus variés. Les premiers contingents d’Italiens et d’Allemands arrivent notamment au Canada à cette époque. L’immigration continuera de se diversifier au 20e siècle.
Résume l’information pertinente de la section 4.1 dans la partie bleue du tableau.
Les immigrants venus d’Europe ne sont pas les seuls à s’établir en milieu urbain. Alors que
Pour loger cette population, des promoteurs immobiliers construisent rapidement des logements de piètre qualité, bâtis près des usines. La construction de ces logements mène à la formation de quartiers ouvriers, ce qui agrandit la superficie des villes.
Source des données : P.-A. Linteau, R. Durocher et C. Robert, Histoire du Québec contemporain, tome 1: De la Confédération à la crise (1867-1930), Montréal, Boréal, 1989, p. 49 et 54.
À partir des années 1840, de plus en plus de familles canadiennes-françaises émigrent vers les États-Unis, notamment vers les villes de la Nouvelle-Angleterre. La ville de Lowell dans le Massachusetts en est l’exemple le plus emblématique. Les Canadiens français y forment des communautés nombreuses qui se dotent de leurs propres écoles, églises et organisations communautaires. Certains quartiers où résident les Canadiens français sont même surnommés des « petits Canadas ».
Entre 1840 et 1890, plus de 300 000 personnes quittent le Québec, une émigration qui continuera jusqu’à la fin des années 1920. Plus de gens quittent la province que d’immigrants n’y entrent. Le développement du réseau de chemins de fer facilite le déplacement des personnes vers les villes industrielles du Nord des États-Unis. Au départ, les mouvements migratoires sont souvent temporaires. Plusieurs personnes vont et viennent entre le Canada et les États-Unis. Néanmoins, la plupart de celles qui quittent ne reviendront jamais au pays et le Québec perd environ 10 % de sa population durant cette période. C’est pourquoi on désigne souvent cette vague de départs du nom de « Grande hémorragie ».
À l’aide des documents suivants, explique ce qui incite des milliers de Canadiens-français à émigrer aux États-Unis.
Consulte attentivement les documents 10 et 11 avant d'écouter la vidéo.
Extrait d’un rapport sur l’émigration au Bas-Canada publié en 1849 par 7 membres de l’Assemblée législative de la Province du Canada
« Les dettes forcent ces familles à émigrer après avoir vendu elles-mêmes, ou vu vendre par autorité de justice, leurs terres et leur mobilier. Les mauvaises récoltes dues à la mouche à blé et à l’état arriéré de l’agriculture, [...] la distance du marché, le manque de voies de communication, l’absence de la navigation à la vapeur qui, en rapprochant le cultivateur du marché lui donnerait les moyens de tirer parti de ses travaux, et l’encourageraient à améliorer son système de culture, - le taux de rentes élevées imposé par quelques seigneurs dans leurs nouvelles concessions , qui accable le censitaire ; ces diverses causes réunies occasionnent la misère de ces familles et par là leur émigration. »
Source : Pierre J.O. Chauveau et al., Rapport du comité spécial de l'Assemblée législative, nommé pour s'enquérir des causes et de l'importance de l'émigration qui a lieu tous les ans du Bas-Canada vers les États-Unis, Montréal, Louis Perreault, 1849, p.13-14, en ligne sur Canadiana.
Propos de l’historien Yves Roby publiés en 1996
« Les centres urbains du Québec se révèlent non seulement incapables d’absorber l’excédent de la population des campagnes, mais elles contribuent même à grossir le flot des migrants vers les États-Unis. [...] Lorsque surviennent, pour une période prolongée, le chômage, la réduction des salaires ou encore la diminution des heures de travail, c’est la misère. Comme il n’existe alors aucune mesure d’aide sociale, c’est la ronde infernale de l’endettement qui s’installe. Parce que les salaires y sont plus élevés qu’au Québec, plusieurs décident alors de s’exiler temporairement en Nouvelle-Angleterre dans l’espoir d’accumuler rapidement l’argent pour payer leurs dettes et recommencer à neuf. »
Source : Yves Roby, « Partir pour les “États” », dans Serge Courville (dir), Atlas historique du Québec : population et territoire, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1996, p. 124.
Résume l’information pertinente de la section 4.3 dans la partie rouge du tableau.
Les élites politiques et le clergé s’alarment du départ de nombreuses familles canadiennes-françaises et cherchent à proposer des alternatives aux gens qui souhaitent quitter leur milieu d’origine. La culture canadienne-française de cette époque valorise un mode de vie rural. La solution préconisée par le clergé et les élites politiques pour contrer l’émigration vers les États-Unis est d’ouvrir de nouvelles régions de colonisation sur des terres encore inoccupées par des Canadiens français.
Le curé Antoine Labelle est un personnage qui incarne le mouvement de colonisation de la deuxième moitié du 19e siècle. Ce dernier chapeaute la création d’une vingtaine de paroisses dans les Laurentides, qui attirent environ 5000 colons. Pour encourager la colonisation, le curé Labelle revendique le développement des chemins de fer, l’instauration d’un soutien financier et l’adoption de politiques comme le « bill des 100 acres ». Cette mesure garantit 100 acres de terre aux familles comptant au moins 12 enfants vivants.
À partir des années 1850, le gouvernement organise également des campagnes de colonisation, ce qui encourage l’occupation de nouvelles terres et la modernisation des méthodes d’agriculture au Lac Saint-Jean, au Saguenay, en Mauricie, en Outaouais, en Gaspésie et dans les Cantons de l’Est. Malgré les efforts des autorités, la colonisation des terres ne parviendra pas à enrayer l’exode rural ni à arrêter la « Grande hémorragie » des Québécois vers les États-Unis.
Résume l’information pertinente de la section 4.4 dans la partie jaune du tableau.
À la demande de ton enseignant, tu peux animer un personnage historique.
Ta production doit comprendre plusieurs éléments, dont :
N’oublie pas : essaie d’incarner ton personnage, de te mettre dans sa peau. Il faut donc que tu le fasses parler en prenant le plus possible en compte le contexte historique dans lequel il se trouve ainsi que les valeurs et les habitudes qu’avaient les hommes et les femmes au 19e siècle.
Tu pourras utiliser le tableau synthèse que tu as rempli au fur et à mesure de ta progression dans le chapitre afin de te préparer à l’enregistrement de ta production finale.
Critère d’évaluation :
Voici la grille d’évaluation que ton enseignant utilisera pour corriger ton projet technologique.
À la demande de ton enseignant, tu peux schématiser les migrations de la seconde moitié du 19e siècle à l’aide d’un réseau conceptuel. Tu peux t’inspirer du modèle suivant :
Ton réseau conceptuel doit comprendre :
Tu pourras utiliser les tableaux synthèse que tu as remplis au fur et à mesure de ta progression dans le chapitre afin de te préparer à la réalisation de ta production finale.
Critère d’évaluation :
Voici la grille d’évaluation que ton enseignant utilisera pour corriger ton projet technologique.
Visionne les explications d'un enseignant sur les éléments les plus importants du chapitre.