L'économie coloniale et le gouvernement royal

4. Les changements économiques et territoriaux après 1663


Donner des exemples de diversification économique sous l’administration des intendants et déterminer les changements du commerce des fourrures et son influence sur l’exploration du territoire en Amérique du Nord.

Entre 1663 et 1760, la France continue de s’appuyer sur le commerce des fourrures pour assurer le développement économique de la Nouvelle-France. Cela dit, le gouvernement royal multiplie les actions en vue de diversifier l’économie de la colonie. Aux 17e et 18e siècles, les expéditions pour la traite des fourrures conduisent les Français à intensifier l’exploration du territoire dans les régions des Grands Lacs, de la baie d’Hudson et du fleuve Mississippi.

Source : John Innes, La Vérendrye, Le point le plus loin du Canada à l'ouest, 1732 (vers 1920-1935),Bibliothèque et Archives Canada, 2950296. Licence : domaine public.

Source : Jean-Adolphe Bocquin, Prise de Possession de la Louisiane et du Fleuve Mississippi (vers 1870), Bibliothèque nationale de France, FRBNF40493760. Licence : domaine public.


Les mesures royales pour diversifier les activités économiques sous l’intendant Jean Talon

      Source : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social. Licence : Creative Commons (BY-NC-SA).

      4.1 La diversification économique

      Après la fondation de Québec en 1608, les Hurons-Wendats deviennent les principaux partenaires commerciaux de la colonie française et ils multiplient leurs interactions avec les missionnaires catholiques. En effet, ces religieux européens établissent des missions à proximité des villages de la Huronie en vue de convertir les populations autochtones au christianisme. Dans la première moitié du 17e siècle, une partie de la population huronne-wendate adhère au catholicisme alors qu’une autre partie rejette les croyances et les pratiques religieuses des Européens.

      Source : C. W. Jefferys, Jean Talon inspecte un chantier naval en Nouvelle-France (date inconnue), Bibliothèque et Archives Canada, 2899646. Licence : domaine public.

      Malgré le soutien financier du roi, la plupart des initiatives commerciales du premier intendant n’arrivent pas à répondre à ces objectifs économiques. En effet, la culture du lin et du chanvre ne sera pas suffisante pour produire du tissu, le chantier naval construit quatre embarcations avant de fermer et la brasserie cesse sa production de bière destinée aux Antilles un an après le retour de Talon en France.


      Question 4 - Établir des différences et des similitudes

      Les documents 4 et 5 présentent les interprétations de deux historiens concernant les réalisations de l’intendant Jean Talon. Indique le point précis sur lequel ils sont en désaccord.

      Les documents

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      Texte d'historien sur les réalisations de Jean Talon

      « La culture du chanvre et du lin n’a pas donné les draps et les toiles qu’il se vantait de produire [...]. La fabrique de la potasse prend fin en 1674. [...] Le chantier naval n’aura construit que 2 barques et 2 petits bateaux de 600 ou 700 tonneaux et à des coûts plus élevés qu’en France. La brasserie qui devait, selon Talon, produire 12 000 minots de grains et brasser 4 000 barriques de bière, cesse dès 1673, après seulement 4 ans d'activité. Preuve que ces tentatives industrielles dépendaient trop d’un seul individu et, surtout, ne correspondaient pas alors aux possibilités du pays. »

       

      Source : Marcel Trudel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 2001, p. 121.

      Texte d’historien sur les réalisation de Jean Talon

      « Stimulés par la tactique ingénieuse exposée par Talon [...], les habitants semèrent du chanvre et réussirent parfaitement. [...] »

      « Quand on songe à l'immense extension que reçut plus tard la construction navale [...], aux vastes chantiers qui s'y multiplièrent, à l'innombrable quantité de vaisseaux qui en sortirent, on se dit que l'intendant Talon avait le coup d'œil juste. »

      « [...] Talon s'appliqua spécialement à établir des fabriques de potasse [...]. On pouvait en fabriquer ici des quantités assez considérables pour permettre à Paris de se passer des [matières premières en provenance] d'Espagne [pour fabriquer des savons]. »

      Source : Chapais, Thomas, Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904, Imprimerie de S.-A. Demers. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2021578 p. 278-279, 395 et 401-403.

      Cahier de traces

      Pour diversifier l’économie coloniale tout en enrichissant la métropole, la couronne française encourage aussi les marchands à établir des routes commerciales entre la France, la Nouvelle-France et les Antilles. Pour les marchands venus d’Europe, une expédition commerciale implique désormais deux destinations en Amérique, soit la Nouvelle-France, puis les Antilles. Ces marchands peuvent donc adapter leur navigation au calendrier des saisons afin d’éviter le gel du fleuve Saint-Laurent ainsi que les ouragans de la mer des Caraïbes et de l’océan Atlantique. Entre 1664 et 1674, la France compte sur la Compagnie des Indes Occidentales pour assurer le commerce dans ses colonies américaines ainsi que la traite des esclaves dans ses colonies africaines.


      Source : François Denis, Vue du Fort Royal de la Martinique dans les Antilles (entre 1750 et 1760), Wikimedia Commons. Licence : domaine public.


      Le commerce triangulaire

      Au 18e siècle, le commerce triangulaire permet aux colonies françaises de devenir un peu moins dépendantes de la métropole, car elles s’échangent certains surplus comme le bois (Nouvelle-France) et la mélasse (Antilles). Cela dit, la Nouvelle-France et les Antilles demeurent principalement tributaires de leurs exportations de fourrures et de sucre vers la France. Les activités économiques des colonies continuent ainsi d’évoluer sous le mercantilisme, qui a pour but premier d’enrichir la métropole.


      Source : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social. Licence : Creative Commons (BY-NC-SA).

      Réponds aux questions suivantes.

         

      En parallèle, le gouvernement royal continue ses efforts pour diversifier l’économie de la Nouvelle-France, comme en témoignent les mesures déployées sous l’intendant Gilles Hocquart entre 1729 et 1748. L’intendant Hocquart soutient notamment l’ouverture des forges du Saint-Maurice, le développement du chantier naval royal et l’achèvement du chemin du Roy. Malgré toutes les mesures prises pour assurer la diversification des activités économiques en Nouvelle-France, ce sont les profits du commerce des fourrures qui assurent le fonctionnement de la colonie jusqu’à la fin du régime français.

      Source : James Pattison Cockburn, Château Richer, Bas-Canada (1829), Bibliothèque et Archives Canada, 2896818. Licence : domaine public.

      Source : Joseph Bouchette Jr., Les forges, rivière Saint-Maurice (1832), Bibliothèque et Archives Canada, 2837634. Licence : domaine public.


      Source : Cornelius Krieghoff, Portage (vers 1856), Bibliothèque et Archives Canada, 2896423. Licence : domaine public.


      4.2 La transformation du commerce des fourrures et l'exploration du territoire

      Dès l'instauration du gouvernement royal en 1663, les autorités coloniales tentent de reprendre le contrôle du commerce des fourrures, déstabilisé par la chute de la Huronie et la multiplication du nombre de coureurs des bois dans la région des Grands Lacs. Pour encadrer la traite des fourrures, le gouvernement royal institue de nombreuses règles, comme celles présentées dans le tableau.

      Résumé des règles de la traite des fourrures en français moderne et en vieux français

        Source des données : Pierre-George Roy (ed.), Inventaire des insinuations du Conseil souverain de la Nouvelle-France, L’éclaireur, Beauceville, 1921, p. 29, 35 et 48, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0000331612.

        Source du tableau : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social. Licence : Creative Commons (BY-NC-SA).

        En 1681, le roi de France adopte un règlement qui oblige les colons à se procurer un permis pour faire des voyages de traite. Ce permis que l’on nomme le congé de traite permet aux voyageurs de quitter la vallée du Saint-Laurent avec des produits européens et de se rendre auprès des nations autochtones pour échanger ces marchandises contre des fourrures. Jusqu’à la fin du régime français, les expéditions commerciales se poursuivent généralement sous le système des congés de traite et des voyageurs, mais certains coureurs des bois continuent leurs activités sans permis. Ceux-ci se rendent parfois dans les Treize colonies pour échanger des fourrures aux marchands anglais de manière clandestine.


        Source : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social. Licence : Creative Commons (BY-NC-SA).

        Aux 17e et 18e siècles, les expéditions commerciales et l’expérience des coureurs des bois et des voyageurs permettent aux Français d'intensifier l’exploration du territoire à l’ouest du lac Huron. Dès les années 1650 et 1660, des explorateurs se rendent aux lacs Supérieur puis Michigan, où ils établissent des relations avec les nations autochtones qui occupent ces territoires. Dans les décennies suivantes, des explorateurs se rendent jusqu’à la baie James en empruntant le lac Mistassini et la rivière Rupert ou en contournant le Labrador. Certaines expéditions se rendent même jusqu’au golfe du Mexique en empruntant la rivière Illinois et le fleuve Mississippi. Par exemple, René-Robert Cavelier de La Salle explore cette région et prend possession au nom du roi de France du territoire qui deviendra la Louisiane en 1682.


        La création de la Compagnie de la Baie d’Hudson

        Médard Chouart des Groseillers et Pierre-Esprit Radisson proposent au roi de France la création d'une compagnie pour organiser le commerce des fourrures dans la région de la baie d'Hudson. Après le refus du roi de France, les deux commerçants explorateurs obtiennent l'appui du roi d'Angleterre avec l'aide du prince Rupert. La compagnie est fondée le 2 mai 1670.

        Source : Charles Walter Simpson, Le prince Rupert lisant la charte octroyée le 2 mai 1670 aux dirigeants de la Compagnie des aventuriers faisant du commerce dans la baie d'Hudson (1928), Bibliothèque et Archives Canada, 2896929. Licence : domaine public.

        À partir des années 1670, les autorités coloniales demandent aux militaires de suivre les trajets des explorateurs pour prendre possession des territoires autochtones au nom du roi de France. Pour ce faire, les Français construisent des forts qui assurent la protection des colons et des postes de traite ou se déroulent les échanges avec les Autochtones. Jusqu’au milieu du 18e siècle, la construction de forts dans la région des Grands Lacs et en Louisiane permet à la Nouvelle-France d’accroitre son influence politique et économique sur ces territoires ainsi que de restreindre l’expansion des Treize colonies vers l’ouest de l’Amérique du Nord.